Paru le 30 novembre 2011 dans le journal Le Monde
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En 2008, Bertrand Delanoë, candidat à sa succession à la mairie de Paris, déclarait aux Parisiens vouloir faire du logement "un chantier prioritaire" de sa seconde mandature. Pourtant, le décalage entre l'offre et la demande ne cesse de croître, entraînant de fortes augmentations de loyers. Un rapport commandé par le maire de Paris recommande un encadrement des loyers et la possibilité d'un recours des locataires, même après la signature du bail.
Commandé par le maire de Paris à quelques mois des législatives, le rapport propose des solutions qu'il semble difficile d'appliquer à court terme et interpelle indirectement François Fillon, candidat potentiel en 2012 dans la capitale.
Au départ, il y a un constat : Paris se vide de ses forces vives. C'est ce qu'expose Bertrand Delanoë en mars, dans la lettre de mission qu'il envoie à René Dutrey, conseiller de Paris écologiste : "Les très fortes augmentations de loyers constatées depuis de nombreuses années à Paris rendent compliqué l'accès des jeunes et d'une part importante des familles au parc locatif privé", constate le maire. Il commande une étude comparative des différentes solutions politiques européennes afin demaîtriser la hausse des loyers.
CARACTÈRE ABUSIF DES LOYERS
L'Allemagne, la Suisse, la Suède et les Pays-Bas ont mis en place différentes méthodes d'encadrement. Outre-Rhin, "les loyers du secteur privé sont fixés librement. Mais le locataire peut s'adresser au juge s'il estime que son loyer est supérieur de 20 % aux loyers pratiqués pour les logements équivalents", expose René Dutrey.
En Suisse, le loyer doit refléter la réalité du marché, sinon le locataire peut en contester le caractère abusif devant une autorité de conciliation. En Suède, le niveau des loyers du privé ne peut dépasser de plus de 5 % celui des loyers du logement public municipal, tandis qu'au Pays-Bas, les loyers sont évalués selon un système de points accordés en fonction de la surface, de l'état, de la qualité, de l'équipement...
Le résultat de ces différentes politiques se mesure à l'aune des loyers : à Munich , ville "la plus chère" d'Allemagne, la moyenne est de 9,70 euros/m2. On relève à Genève, en Suisse, des loyers oscillant entre 17 et 20 euros le m2 environ. Dans la capitale suédoise, Stockholm, comme à Amsterdam (Pays-Bas), les loyers s'échelonnent en moyenne entre 16 et 17 euros le m2. A Paris, selon les chiffres du rapport, la moyenne des loyers, même dans les quartiers les plus populaires (19e et 20e), dépasse celle de ces grandes villes européennes (entre 18 et 20 euros/m2) pour s'envoler jusqu'à près de 35 euros/m2 dans plusieurs quartiers du centre (4e, 5e, 6e, 7e et 8e). Selon Seloger.com, en septembre 2011, les chiffres ont même augmenté.
RÉACTIVER UN DISPOSITIF EXISTANT
René Dutrey propose notamment un "contrôle des loyers" dans les "secteurs tendus" où les augmentations sont"anormales". Le périmètre de contrôle à définir dépasse le périphérique qui délimite Paris intra muros. "Du fait des spécificités locales", en Ile-de-France, la "détermination du périmètre" devra être faite dans le cadre de Paris Métropole, un club d'élus qui regroupe près de 200 collectivités de la région, explique l'auteur du rapport.
Le projet de M. Dutrey est de réactiver et de réformer un dispositif d'encadrement des loyers voté le 6 juillet 1989, nécessitant depuis 1997 "une décision du gouvernement pour continuer à s'appliquer", explique l'élu. Le texte prévoit que les loyers doivent être "fixés en fonction des loyers du voisinage", précise le rapport.
Tandis que le texte de 1989 prévoyait que cet encadrement s'applique aux logements qui ne sont pas aux normes de confort, René Dutrey demande son application généralisée, "dans les premières locations comme les relocations, le neuf et l'ancien, avec des travaux d'entretien réalisés ou non. Les loyers ne seraient donc plus définis par la loi de l'offre et de la demande, ils seraient fixés" en s'appuyant sur les données de l'Observatoire des loyers de l'agglomération parisienne (OLAP). Un décret en Conseil d'Etat, pris après avis de la Commission nationale de concertation, fixerait le montant maximum de leur évolution.
Le rapport voit comme second levier d'une régulation la possibilité faite au locataire de disposer "d'un véritable recours". Et ce, après la signature du bail. Par conséquent, "s'il estime son loyer surévalué, le locataire doit pouvoir saisir la commission de conciliation, une fois levée toute pression liée à l'obtention du logement", souligne le conseiller de Paris.
SANS RÉPONSE DE FRANÇOIS FILLON
Toujours selon le rapporteur, ce dispositif pourrait faire baisser les loyers jusqu'à 20 %. Une erreur, répond Jérôme Dubus, élu centriste du Conseil de Paris. Une réglementation ne servira qu'à rigidifier un marché déjà peu fluide. La solution, selon lui, consisterait à donner un appel d'air au marché locatif privé, avec, d'abord, une réglementation locale en matière d'urbanisme moins rigide, ensuite, un coefficient d'occupation des sols plus large et enfin, une métropolisation de la politique d'urbanisme. " Enfin, ce type de réglementation ne dépend pas de la politique municipale", précise-t-il.
Un élément qui n'avait probablement pas échappé à Bertrand Delanoë, qui a souligné dans sa lettre de mission avoir demandé, "sans succès", au premier ministre, François Fillon, un cadre législatif. M. Fillon, qui a, depuis, fait connaître ses ambitions dans la capitale, pourra avoir à l'expliquer aux électeurs parisiens.
Eric Nunès
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