Vous trouverez ci-dessous le texte de mon intervention au conseil de Paris sur l'hébergement d'urgence
Bonne lecture
Monsieur le Maire,
selon le collectif « Les morts de la rue » 5O personnes sont mortes dans la rue à Paris depuis le début de l’année, victimes de l’absence de prise en charge des pouvoirs publics. Face à ces morts, le secrétaire d’état au Logement continue de marteler sa nouvelle orientation : « le logement d’abord ». Que penser d’un tel cynisme ? D’un côté le gouvernement saborde les crédits de l’aide à la pierre, empêchant tout effort à la hauteur des enjeux en matière de création de logements sociaux, et de l’autre ils ferment des places d’hébergement tout en continuant à communiquer sur « le logement d’abord ».
Mes chers collègues, avant d’aller plus loin dans mon intervention, je vous le dis, pour pouvoir espérer avancer sur ce sujet du « sans-abrisme », alléger les souffrances de ces dizaines de milliers de sans-abri, je ne vois qu’une seule solution : lors des prochaines échéances électorales il faut sortir ce gouvernement. Si ce n’était pas le cas, on peut prédire sans problème que la situation dans la capitale ne cessera de se dégrader.
Alors rêvons. Rêvons a une majorité de gauche qui accède au pouvoir lors des prochaines élections, à une majorité de gauche qui ne se contentera pas de rétablir l’ensemble des places d’hébergement supprimées car cela ne suffira pas à résoudre le problème auquel nous faisons face, mais une majorité qui saura réinventer les politiques publiques en matière d’hébergement d’urgence pour être à la hauteur des enjeux qui sont aujourd’hui les nôtres.
Le chantier est immense :
Premièrement, il est évident que les places d’hébergement sont insuffisantes et que leur répartition sur le territoire reste inégale.
Ouvrir des places d’hébergement demande des moyens, qu’un gouvernement de gauche devra mettre sans hésiter. Avec un pilotage métropolitain, ces centres doivent être rapidement réalisés et se substituer à l’hébergement hôtelier. Car celui-ci coûte énormément à la collectivité (près de 20 millions d’euros par ans) pour de très mauvaises conditions de vie pour les familles. Qui pourrait vivre un an avec ses enfants dans une chambre d’hôtel?
Deuxièmement, les centres d’hébergement d’urgence continuent d’accueillir des populations qui n’ont normalement rien à y faire.
C’est le cas des migrants, ou encore des demandeurs d’asile, qui se trouvent contraints de se rabattre sur les hébergements d’urgence par manque de centres d’accueil. Parmi eux, il y a des réfugié en attente de l’avis de l’ofpra, mais aussi toute une population de sans-papiers, présente sur le territoire depuis de longues années et qui attend une hypothétique régularisation.
Pour les premiers, les réfugiés, la création de places en centre est nécessaire.
Pour les seconds, un changement de gouvernement devrait permettre de faire évoluer les lois sur l’immigration et permettre à cette population de sortir de la clandestinité.
Les centres d’urgence accueillent aussi de nombreuses personnes, qui ont tout simplement rejoint la capitale pour travailler et qui ne trouvent pas de logement. Sans ami, sans entourage familial, leur situation peut rapidement basculer et ces personnes se voient contraintes sans autre solution de rejoindre des centres d’hébergement d’urgence déjà surchargés.
Une ville comme Paris a besoin de lieux d’accueil souples et simples, pour des personnes n’ayant pas forcément besoin d’accompagnement social. Historiquement ce sont les hôtels meublés et les pensions de familles qui jouaient se rôle. Leur forte diminution oblige toute une population à se rabattre sur les centres d’urgences. Rétablir une offre d’hébergement souple et pas cher est un enjeu important si nous souhaitons réellement répondre aux besoins.
Troisièmement il nous faudra innover, en assumant par exemple que toutes les personnes à la rue souhaitent améliorer leurs conditions de vie, mais pas obligatoirement se réinsérer par le travail.
C’est le cas bien souvent de celui qu’on on appelle le « clochard » parisien. C’est aussi le cas de toute une population beaucoup plus jeune que l’on trouve dans les squats ou dans la rue, que l’on peut qualifier sur le modèle anglais de « traveller’s ».
Ces choix de vie doivent être respectés. L’objectif des pouvoirs publics dans ces cas ne doit pas être de réinsérer ces personnes, mais d’améliorer leurs conditions de vie, dans le respect de leur liberté individuelle.
Une expérience originale est par exemple actuellement menée au Danmark (Freak Houses for Freak People, des « maisons atypiques pour existences atypiques ») Cette initiative vise des personnes ne souhaitant pas vivre seules, même avec un soutien, et qui éprouvent des difficultés à vivre dans un foyer ou bien encore qui vivent dans un centre transitoire depuis trop longtemps. Ce sont de petites habitations avec des pièces communes et un « animateur social » qui apporte un soutien pratique. Les projets rassemblent une dizaine d’habitations. Le loyer y est bas : environ 20 % du montant de l’aide sociale ou de la pension d’invalidité. Lancé depuis 1999, le programme s’étend. Des évaluations effectuées en 2004 et 2006 ont rapporté des résultats positifs conduisant le gouvernement à allouer des fonds supplémentaires pour la construction de nouvelles maisons « atypiques ».
Enfin, les plans d’actions publiques que mettra en place un gouvernement de gauche ne devront plus viser à « gérer » le sans-abrisme, mais bien de loger l’ensemble des SDF. En Europe aujourd’hui, il existe 3 types de politiques publiques en matière de sans-abrisme.
- La criminalisation des SDF que l’on trouve principalement comme politique unique dans les pays de l’est.
- La prise en charge total par les pouvoirs publics dans les pays nordiques.
- Et enfin les politiques mixtes, Angleterre, Italie, France ou politique de criminalisation et de prise en charge cohabitent.
Il semble que nous aurions intérêt à prendre exemple sur nos voisins nordiques, qui ont mis en place des plans visant à loger correctement l’ensemble de la population de SDF. Après un recensement précis des sans abris, un plan global doté de moyen et d’échéances est mis en place sous l’impulsion de l’état, par les collectivités locales.
Voilà quelle devrait être notre vision commune ! Car finalement, si nous nous sommes engagés en politique, et que ce soit sur n’importe quels bancs de cette assemblée, c’est bien pour changer la vie !
Pourtant, je suis quelquefois inquiet quand j’entends certains élus parisiens, et pas seulement sur la droite de l’Hémicycle dire des choses comme : « On ne peut pas accueillir toute la misère du monde », « Si l’on réalise trop de structure d’hébergement, on risque un effet appel d’air », ou encore « Cela risque de déstabiliser sociologiquement nos quartiers ».
Ce discours est pour le moins surprenant et donne autant d’arguments pour justifier l’urgence de ne rien faire.
Je nous mets en garde : il n’est pas question de faire du zéro SDF un simple argument de campagne pour socialiser un discours le temps d’une élection.
Si la gauche accède au pouvoir au printemps, il faudra être ambitieux et réellement en finir avec une politique qui consiste à colmater les brèches et à gérer la crise.
Je le disais en début de mon intervention, 50 morts depuis janvier parmi les personnes à la rue. 50 morts qui pourtant n’entraînent pas un scandale suffisant pour qu’enfin des moyens soient débloqués pour mettre un terme à ce drame humain ? Y’aurait-t-il des vies qui vaudraient moins que d’autres ?
Si nous voulons que la chose publique garde du sens auprès de nos concitoyens, nous devons prouver, que le politique peut changer la vie, et mettre un terme au sans-abrisme dans nos villes qui concentrent tant de richesses. Ce sera bien l’enjeu des échéances à venir.
Je vous remercie
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