«C'est notre plus belle prise ! » JuIlen Bayou, l'un des responsables de l'association Jeudi noir, est fier. L'immeuble vacant que les militants de ce collectif de défense des galériens du logement ont réquisitionné ce week-end ressemble en effet d'avantage à un palace 4 étoiles de luxe qu'à un squat insalubre. C'est un superbe hôtel particulier datant du XVII e siècle qui trône majestueusement au numéro 1 de la très cossue place des Vosges. Des locaux de 2 000 m 2 , habitables sans travaux, des parquets d'époque, un grand salon avec des plafonds peints classés, une vaste cour intérieure ... Sur la façade, uneplaque de marbre rappelle même que le bâtiment a vu naître en 1626.Marie de Rabutin-Chantal, marquise de Sévigné. Le collectif Jeudi noir (ainsi baptisé en référence à la fois au krach de 1929 et au jour de parution des annonces de logement) s'est fait une spécialité des occupations de bâtiments laissés vacants dans la capitale. Il ne pouvait rêver meilleur symbole que cette adresse. « Il appartient à une société civile immobilière. Et il est vide depuis ... 1965 », affirment les militants qui ont organisé l'occupation en grand secret depuis jeudi dernier. Ce weekend, personne n'a pu confirmer ces informations. La SCI propriétaire a porté plainte.
« Cet ensemble immobilier, qui a été laissé vide pendant des années sans doute pour des raisons spéculatives, pourrait légalement faire l'objet d'une réquisition », notait le conseiller de Paris (Verts) René Dutrey, venu découvrir le nouveau patrimoine de Jeudi noir:- Au même moment, les couloirs de'l:.p.ôtel particulier résonnent des slogans sur « l'application de la loi de réquisition » lancés par les militants du mouvement des Jeunesses socialistes venus prêter main-forte aux squatteurs. « Nous n'avons pas eu à entrer par effraction, assure Julien Bayou, qui a coordonné la réquisition de ce véritable palais. Une porte cochère était mal fermée. Il a suffi de la pousser. » L'électricité était branchée. L'eau rouverte a cependant occasionné quelques inondations sans grand dommage. Jeudi noir a ainsi pu installer sous ces plafonds peints quelques dizaines de jeunes' travailleurs précaires et d'étudiants en mal de logement. Cette résidence universitaire improvisée - la plus chic de Paris avec sa vue sur la place des Vosges - est cependant toujours menacée: dès samedi après-midi, la SCI propriétaire a porté plainte. Dès lors, les nouveaux occupants redoutaient ce week-end une évacuation par les forces de l'ordre. «Mais nous sommes toujours là, et nous commençons à espérer pouvoir rester plus longtemps que prévu », se réjouissait un occupant, hier aprèsmidi. Les militants ont ainsi continué à explorer les lieux, donnant, à ce mouvement un petit air de Journées du patrimoine.
Benoît Hasse
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire