10 septembre 2009

Ecologie politique : qu’un nouveau cycle commence

Par PASCAL DURAND directeur de la campagne 2009 d’Europe-Ecologie, PATRICK FARBIAZ co-rédacteur du programme d’Europe-Ecologi

Le 7 juin 2009 revêt pour l’écologie politique une double signification. D’une part, il annonce la fin de trois cycles : celui du projet, de l’organisation et des alliances ; d’autre part, il appelle à une nécessaire métamorphose.

Le premier cycle - celui du projet - initié en 1974 par René Dumont, correspondait à l’inscription de l’écologie dans l’agenda culturel et idéologique.

Désormais, l’écologie est incontournable, pour le meilleur et pour le pire, elle s’accommode à toutes les sauces, même les moins «vertes», et balise le paysage intellectuel. Toutefois l’écologie n’est pas univoque et la confrontation des idées sur le projet sera lourde de conséquence. Elle se jouera entre une transformation radicale de la société, de ses modes de productions et de consommation, de ses structures comme de son imaginaire et une «croissance verte», autrement dit une «écologie productive». Cet avatar du capitalisme traduit l’ultime soubresaut d’un modèle de civilisations productivistes tenant la croissance pour horizon indépassable. Elles éludent les problématiques vitales de la finitude des ressources naturelles, de la crise climatique, de l’extinction des espèces, des inégalités Nord Sud, de l’ébranlement des valeurs de solidarité collective, en gardant tel quel un système fondé sur la seule recherche du profit pour le profit. Loin de nous satisfaire d’un keynésianisme vert, nous devons refonder le modèle même du «développement» humain et redonner un sens au Progrès.

Ainsi, considérons-nous qu’il ne peut y avoir de justices sociale et environnementale sans «démarchandisation» du monde. Notre projet repose sur un programme de reconversion écologique de l’économie et de la société charpentée autour de trois piliers : la planification écologique des territoires, les biens communs, la relocalisation des activités. Il s’appuie sur les principes de prévention, de précaution et de préservation qui doivent guider toute politique publique.

Ces fondements constituent la carte d’identité collective d’Europe-Ecologie.

Le deuxième cycle, relatif à l’organisation, a été ouvert avec la fondation des Verts en 1984.

Le parti vert a joué historiquement son rôle de tremplin de l’écologie politique en transformant le mouvement environnementaliste en un petit parti politique. Il a créé de toutes pièces l’écologie publique, en maillant le territoire d’un réseau d’élus locaux efficaces appliquant des politiques publiques durables.

En fait, il a transformé en programme les principes généraux de l’écologie des pères fondateurs. Mais les évolutions de la société lui imposent de dépasser le cadre initial de son périmètre. Il s’agit désormais de revisiter la «charte d’Amiens» et ses frontières étanches entre syndicalisme, associations et construction partidaire. La participation aux élections n’est qu’une des fonctions d’un parti politique. Toutes les autres, telles que l’éducation populaire, la représentation et la médiation des mouvements sociaux, le débat et la production d’idées sont indispensables à la crédibilité de toute formation moderne.

Nous devons inventer un «trade-unionisme» écologique qui se pense comme une coalition à géométrie variable de la transformation sociale, rassemblant tous les «éco-acteurs» qui ne se sentent plus représentés dans le cadre du système politique partidaire actuel et qui s’accordent sur une priorité de l’impératif écologique et social. Pour exister durablement, notre réseau-mouvement devra préalablement faire société.

L’histoire nous l’a enseigné, on ne construit pas un grand mouvement politique sans regrouper l’ensemble de sa famille. C’est en son sein que les divergences doivent être discutées et tranchées, surtout lorsque le débat d’orientation se déroule dans une dynamique de victoire plutôt que dans la frustration des défaites. Nous sommes ici dans un processus similaire à la naissance du Parti socialiste en 1905, lorsqu’il réunissait Jaurès, Guesde, Allemane, Vaillant le blanquiste et de nombreux syndicalistes : nous devons construire Europe-Ecologie comme une fédération souple d’individus, de groupes et de cultures, avant de pouvoir donner une forme définitive à cet «Objet politique non identifié», né il y a plus d’une année et encouragé par le résultat électoral du 7 juin.

Le troisième cycle qui se referme, celui des alliances, est illustré par l’entrée des Verts dans le gouvernement de la gauche plurielle en 1997.

Le débat entre «gauche plurielle» et «ni droite ni gauche» est historiquement dépassé, la crise systémique ayant rendu cette confrontation obsolète.

Les écologistes ne peuvent ni ne veulent plus se voir en supplétifs d’une gauche qui les considèrent comme un simple objet de marketing politique avec pour vocation de verdir quelques notables socialistes.

Pour autant, l’écologie n’est pas à marier avec une droite, dont les pratiques économiques, sociales et politiques sont à l’exact opposé de nos principes et de nos valeurs.

L’écologie doit être le pivot d’un rassemblement à vocation majoritaire qui s’organisera autour de son projet et de son leadership.

Si nous voulons que le 7 juin soit plus qu’un feu de paille, nos ambitions doivent être à la hauteur de notre projet. La reconversion écologique de la société doit être portée par un bloc social historique nouveau ; il ne peut se limiter à l’électorat des centres villes, mais doit réunir les groupes sociaux issus de la crise : le précariat, la paysannerie, le salariat qui aspire à vivre autrement, les classes moyennes de la société cognitive, la jeunesse en formation, le parti de ceux qui veulent vieillir dans la dignité, la jeunesse des quartiers populaires en proie aux discriminations.

Cette politique de civilisation «postmatérialiste» recherchée désespérément par la secrétaire nationale du PS, les écologistes l’ont trouvée depuis leur naissance, car leur combat ne s’est jamais résumé à la confrontation capital-travail. Ils savent depuis longtemps que la bonne vieille lutte des classes n’est qu’un des éléments structurants du changement social. L’autonomisation de la société, la mondialisation des droits contre l’apartheid planétaire et le pillage des ressources naturelles, la sauvegarde de la biodiversité, la lutte contre le culte de la consommation et l’idéologie de la croissance, sont tout aussi décisifs.

Bien sûr, les réalités électorales et l’injustice du mode de scrutin majoritaire sont là. Nous savons que nous devrons passer des accords politiques lors des seconds tours et négocier des contrats de majorité pour pouvoir gérer des territoires, mais cela se fera sur le fondement de notre projet, entre partenaires égaux, loin des marchandages de couloirs et de la vassalisation de la dernière décennie.

Le 7 juin, nous avons occupé temporairement un espace politique. Il s’agit maintenant de lui donner un contenu pérenne tourné vers l’avenir. Ne laissons pas à d’autres le soin de la faire, car la politique, comme la nature, a horreur du vide.

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