Projet économique et social 2012 d’Europe Ecologie Les Verts
Audition de Philippe Van Parijs, fondateur du BIEN, Basic Income Earth Network.
Le Revenu Universel
4 février 2011
Pourquoi un revenu universel ?
La croissance pouvait permettre de résoudre à la fois la pauvreté et le chômage. Il faut remplacer le compromis social fait sur la croissance par un nouveau compromis basé sur le revenu universel.
L’allocation universelle est en définitive une technique douce de répartition du temps de travail. Cela permet à certains de travailler à temps partiel, tout en ayant un complément de revenu.
Quelle différence avec les minimas sociaux ?
La différence est l’universalisation, et l’ inconditionnalisation. On remplace le filet de sécurité par un socle, sur lequel on peut construire. C’est un revenu inconditionnel à deux niveaux. D’une part, tout le monde le reçoit, les riches comme les pauvres. D’autre part, il n’y aucune contrepartie demandée. Cela permet donc des va-et-vient souple entre formation, emploi, temps privé, …
Cela permet de rendre solvables certains travaux ou certaines taches qui ne seraient pas rentables.
Cela permet de rendre le pouvoir de négociation à ceux qui en ont le moins aujourd’hui.
L’allocation universelle a été défendue par 5 prix Nobels de gauche et de droite, y compris Milton Friedman, mais ils défendent en général une allocation universelle de faible montant.
Cela risque-t-il de remettre en cause le SMIC ?L’impact sur l’avenir du travail est différencié selon les métiers : On acceptera un travail intéressant à moindre salaire, mais on n’acceptera plus des travaux moins intéressants faiblement rémunérés.
Cela va-t-il nous amener à une baisse du SMIC ? Non, il y a cumul du revenu universel avec un salaire à temps partiel ou temps plein, avec maintien du SMIC. L’allocation universelle se substituera au quotient familial qui est une forme d’exonérations fiscales. Les riches financeront l’allocation universelle par la suppression de leurs exonérations fiscales.
Les revenus vont s’accroitre pour les gens à temps partiels, donc c’est une forme de subvention aux temps partiels.
Toutes les personnes résidant légalement sur le territoire doivent en bénéficier, car si on le réservait à des personnes citoyennes, on aura une inégalité devant le marché du travail, et le développement d’un marché du travail parallèle avec des personnes ne bénéficiant pas du revenu universel et prêts à accepter des travaux moins attractifs.
Est-ce que ca risque d’encourager les flux migratoires ?
Cela est déjà le cas des minimas sociaux.
Quelle est l’échelle optimale ?
La plus large possible. Mais en Europe ce sera difficile car la solidarité entre peuples européens n’est pas encore acquise. C’est néanmoins vers cela qu’il faut aller : élargir l’échelle du revenu universel, et mettre en place une solidarité interpersonnelle européenne. Mais aucun système de ce type n’est compatible avec une ouverture des frontières.
Quel est le niveau nécessaire d’un revenu universel ? Comment le financer ?
La meilleure formule est celle d’une allocation universelle « suffisante », c’est-à-dire au minimum sur le RSA Socle. Mais elle est par définition individuelle. Si c’est individuel, cela va opérer une redistribution des individuels vers les couples, qui bénéficieront de cette mesure. Donc on est obligés de le différencier entre isolés et couples, de mettre en place une allocation de la moitié d’un RSA socle couple, et de le compléter pour les individus.
Le niveau n’est donc pas supérieur au RSA socle. Mais cela est compatible avec un revenu salarié.
L’impôt négatif n’est-il pas plus simple que l’allocation universelle ?
James Tobin répondait que l’Allocation Universelle est plus satisfaisante car cela ne stigmatise pas les pauvres. L’impot négatif (ou un revenu minimal garanti) pose un problème de stigmatisation, et un problème d’information. Deux études convergentes empiriques avaient été faites pour voir pourquoi les chômeurs longue durée restaient au chômage. 2 réponses : la perte éventuelle de revenus, mais aussi l’incertitude par rapport aux revenus : va-t-on pouvoir toucher l’allocation différentielle ? Les économistes disent qu’impôt négatif ou allocation universelle sont équivalents, mais les travailleurs sociaux mettent en valeur les trappes à incertitudes. Le grand avantage du revenu universel, c’est que, quoiqu’il arrive, on le touche. Cela introduit une sécurité qui permet de faciliter le passage d’emploi à la formation, au temps libéré, …
Le revenu universel ne remplacera les allocations assurantielles existantes.
Le système assurantiel (chomage, maladie) se poursuivrait dans les mêmes conditions, en complément du revenu universel, puisque c’est grâce à cela que les gens prennent des risques, changent de travail, investissent dans un logement, …. Sinon du jour au lendemain, sans système assurantiel, le niveau de vie d’un citoyen chuterait de façon dramatique, ce qui entrainerait une spirale du surendettement, un déclassement, ….
Des propositions très différentes pour le financement
La mise en place demanderait d’abord une modification de l’IRPP : suppression des exonérations fiscales (notamment quotient familial) pour financer le revenu universel. Il s’agit d’une redistribution, mais il n’y a pas de cout net si on place l’allocation universelle au niveau du RSA Socle.
Les deux autres possibilités sont :
- Le financement par la TVA : La TVA est régressive, mais finalement l’IRPP est de moins en moins progressif, donc cela serait équivalent. ( ?)
- Le financement par une taxe sur les transactions. Une partie des transferts sociaux ont été financés au Brésil avec une taxe sur les transactions.
Des exemples dans le monde
L’Iran est en train de mettre en place une véritable allocation universelle. Le pétrole est vendu très peu cher sur le marché intérieur. Ce qui conduit à une utilisation excessive des ressources énergétiques du pays. Ils ont donc décidé d’augmenter le prix du pétrole et de compenser par une allocation universelle, strictement individuelle, restreint aux citoyens iraniens. Cette dernière caractéristique risque de créer des émeutes, car le prix du pétrole se renchérit pour tous, et n’est pas compensée pour les immigrés.
L’allocation universelle a été introduite en Alaska en 1982. Un fonds Alaskais est investi sur la terre entière et verse un dividende à tous les Alaskais.
Comme le dit Thomas Pain, les ressources sont notre bien commun, donc on peut utiliser les permis à polluer doivent pouvoir venir financer l’allocation universelle.
L’Allocation universelle ne sera pas le grand soir, si on la place à un niveau élevé, cela demanderait une telle redistribution, que toutes les tranches les plus élevées verraient leurs revenus baisser de façon drastique.
L’opinion publique est souvent contre, car selon les périodes, on considère que soit ce n’est pas nécessaire, ce n’est pas finançable. Mais la plus grande objection c’est que les gens aient droit à un revenu sans travailler. L’argument pour répondre à cette objection : nous avons tous droit à une part de la richesse collective, de la ressource collective, de l’accumulation de capital antérieur, … Dans le salaire que nous percevons, il y a d’abord une richesse collective héritée, l’organisation de la société, la capitalisation du savoir, donc nous pouvons en redistribuer une partie sous forme d’allocation universelle.
L’Allocation Universelle n’est la panacée, la mesure unique sur laquelle il faudrait se focaliser. Une revenu socle est surtout un facilitateur, notamment dans les va-et-vient entre emploi-famille- formation. C’est aussi un vecteur de respect de soi, car cela empêche la stigmatisation, ce n’est pas suffisant, mais cela aide. Le revenu universel n’est pas par définition « suffisant ». Le montant de l’allocation universelle comprend aussi l’environnement, du service public gratuit pour l’éducation et la formation …. En perspective, le niveau juste est celui qui soit écologiquement soutenable, si on le généralise à la Terre Entière. L’objectif premier de l’allocation universelle, c’est de donner une liberté réelle.
Compte rendu réalisé par Eva Sas
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